L’affûtage avant un objectif de performance d’endurance est une phase très complexe à appréhender/ gérer dans la préparation des athlètes.
Le but de l’affûtage est de réduire la fatigue tout en maintenant les adaptations (baisse du stress physiologique/ psychologique) pour optimiser la performance.
Mais voilà, à partir de quel moment doit-on réduire la charge d’entraînement et comment la réduire ? Ce sont des questions que se posent les entraîneurs afin que leurs athlètes soient performants le jour J !
1. Ce que nous apprend la science
L’affûtage est un sujet qui est traité par de nombreuses études en sciences du sport.
Il semblerait que le schéma optimal pour un affûtage serait d’utiliser une réduction non-linéaire de la charge d’entraînement lors de la période pré-compétitive.
Il serait important de :
⬇️Réduire le volume d’entraînement (Entre -41% et -60%)
➡️De conserver des séances qualitatives qui serait un facteur clé
➡️De maintenir la fréquence des séances
Une méta-analyse menée par Bosquet & al (2007) a conclu que les athlètes pouvaient maximiser leurs performances en réduisant le volume d’entraînement de 50 %, sans réduire la fréquence ou l’intensité de l’entraînement.
La littérature scientifique nous indique que cette approche stratégique de l’affûtage pourrait permettre une amélioration de la performance d’environ 3 % (intervalle compris généralement entre 0,5 et 6,0 %).
Durant cette période il faudrait également avoir une attention particulière sur différents facteurs contribuant à la performance d’endurance :
➡️ Nutrition
➡️ Hydratation
➡️ Acclimatation à la chaleur
➡️ Planification des stages en altitude
➡️ … … …
2. Faut-il suivre les recommandations scientifiques ?
Peut-on vraiment se fier à ces recommandations scientifiques dans la pratique de terrain durant de réelles compétitions alors que ces études scientifiques sont réalisées en laboratoires avec des tests de performances qui sont assez éloignés de la confrontation aux autres athlètes et du niveau de stress qu’ont les athlètes en compétition.
Justement, une étude scientifique de terrain sur l’entraînement de 11 skieurs et biathlètes d’élites (Tønnessen & al, 2014) a pu se rendre compte que ces athlètes n’utilisaient pas l’approche de l’affûtage comme on peut la préconiser dans les études scientifiques. En effet, ceux-ci ne réduisent pas leur charge d’entraînement, elle reste stable, avant les objectifs majeurs de la saison. Sur ces 11 athlètes, seulement 3 ont pris un jour de repos au cours des cinq derniers jours précédant leur compétition la plus réussie. Cette étude laisse donc planer le doute sur l’efficacité de l’affûtage lors de vrais compétitions chez les athlètes d’endurance.
3. Ce que l’expérience de terrain m’a appris
J’ai entraîné des centaines d’athlètes de tous les niveaux, j’ai pu essayer différents modèles d’affûtage avec eux que ce soit une baisse linéaire ou non-linéaire de la charge d’entraînement, le maintien ou la réduction de la fréquence des séances, une charge qualitative quelques jours avant la compétition majeure … … …
Ce que j’ai pu apprendre/ observer c’est que l’athlète vit souvent très mal la diminution du volume d’entraînement durant la phase d’affûtage. Les athlètes rapportent souvent de mauvaises sensations durant les séances d’entraînement précédents la compétition ou encore un manque de tonicité au niveau musculaire.
Alors qu’à l’inverse durant la préparation avec une charge d’entraînement élevée, ces mêmes athlètes sont capables de réaliser de grosses séances avec de bonnes sensations malgré une forte fatigue accumulée.
La rupture de charge serait donc génératrice d’une fatigue et d’une désadaptation passagère.
Depuis quelques temps je fais attention à ne plus trop réduire la charge d’entraînement, j’ai pu constater que les athlètes arrivent avec de meilleurs sensations et réalisent de meilleures performances.
Prenons des exemples concrets :
Yannick MATEJICEK a réalisé une grosse performance lors de l’IM Vitoria 2022 en améliorant ses performances par rapport à l’édition 2021 de -5’47’’ sur les 180Km du vélo et -8’40’’ sur le marathon ce qui lui a permis de finir 1er amateur, 8ème overall (devant de nombreux pros) et être crédité du 3ème tps marathon.
L’approche de l’entraînement doit s’envisager de manière consistante, régulière et très rigoureuse.
Durant la préparation de l’IM Vitoria (2021 & 2022), la charge d’entraînement est restée stable avec :
- Un dernier bloc de travail spécifique à J-10 (vélo 4h30) et J-9 (CàP 21Km)
- Et un bloc HIT à J-6 (vélo 10*5’ @100-105% CP) et J-5 (Tempo @85-90% CS).
Avec Yannick MATEJICEK et Steven GALIBERT nous sommes allés encore plus loin dans la démarche en maintenant un volume autour de 90-100Km dans les 5 dernières semaines du marathon de Valence.
Les dernières séances qualitatives avant le marathon :
- J-11 à J-10 : Un volume de 38Km en 2 jours avec du Tempo spécifique
- J-7 : Une dernière longue Run au Tempo
- J-4 : Une dernière séance de 14Km avec un travail au seuil de tolérance de la fatigue
Cette approche est validée par la réalisation de 2 belles performances lors du marathon de Valence 2022 :
- Yannick en 2:29:35 soit 94,4% de sa meilleure performance sur 10Km isolé
- Steven en 2:30:07 soit 91,5% de sa meilleure performance sur 10Km isolé
On peut voir une allure relativement stable durant le marathon avec un petit passage compliqué entre le KM35 et le KM40 mais une capacité à accélérer dans les 2 derniers KM comme on a pu le travailler à l’entraînement.
Attention
Pour que cette approche fonctionne, il faut que l’athlète adhère et soit en total confiance avec l’entraîneur car il peut y avoir une crainte de l'athlète de ne pas réduire la charge d'entraînement et d'arriver avec de la fatigue sur la ligne de départ
4. Conclusion
L’apport des sciences du sport est important pour l’entraîneur afin d’avoir une base théorique lui permettant de comprendre le fonctionnement de l’organisme dans son ensemble. Les sciences du sport, avec une remise à jour régulière de ses connaissances, constituent une clé de compréhension incontournable pour l’entraîneur d’endurance lui permettant de comprendre ce qu’il met en place à l’entraînement et surtout pour quelles raisons il utilise telle séance et pas une autre ou de confirmer certains choix stratégiques (périodisation, nutrition …).
Mais attention, l’apport scientifique doit être bien utilisé en le confrontant continuellement à la pratique du terrain pour ne pas utiliser un modèle d’entraînement à la mode sans savoir s’il est réellement en concordance avec la réalité du terrain.
Pour aller plus loin
- Bosquet L, Montpetit J, Arvisais D, Mujika I (2007) Effects of tapering on performance: a meta-analysis.
- Mujika I, Padilla S (2003) Scientific bases for precompetition tapering strategies.
- Tønnessen E & al (2014) The Road to Gold: Training and Peaking Characteristics in the Year Prior to a Gold Medal Endurance Performance.