Les stratégies d’entraînement (Partie 4) : Les blocs HITSM

Les performances des triathlètes Norvégiens ont surpris le monde de l’entraînement en endurance de part leurs supériorités sur les formats longs (70.3 et Ironman) tout en étant également performants sur les épreuves courtes distances. On pourrait également citer les performances des frères Ingebrigtsen, en particulier Jakob, dans le milieu de l’athlétisme ou encore des skieurs de fond et biathlètes Norvégiens.

Deux éléments principaux de leurs stratégies d’entraînement sont cités pour expliquer leur ascendant sur les autres athlètes :

  • Le contrôle des intensités d’entraînement utilisant la concentration en lactate sanguin durant l’exercice

  • Et les blocs bi-quotidien au seuil

Le modèle d’entraînement des triathlètes, des athlètes et des skieurs reposent en partie sur celui développé par le Norvégien Marius BAKKEN.

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Dans les articles précédents nous avons pu voir comment contrôler les intensités d’entraînement :

Dans cette partie 4, nous allons nous intéresser à l’entraînement bi-quotidien et plus particulièrement à la micro-périodisation d’entraînement. Je vais vous présenter d’où vient cette stratégie, ces fondements et comment l’utiliser auprès des athlètes en utilisant des exemples concrets des entraînements que j’utilise avec les athlètes du groupe.

Vous êtes prêts ?! Alors c’est parti !

Les blocs de périodisation

Avant de parler des blocs « seuil » bi-quotidien, nous allons évoquer la périodisation par bloc (BP) qui est une forme de micro-périodisation.

Le précurseur des travaux sur la BP est le professeur Issurin, il a été le 1er à montrer que la périodisation traditionnelle (TRAD) de l’entraînement où l’on développe simultanément trop d’aptitudes conduit à un stimulus sous-optimal et donc à des adaptations sous-optimales chez l’athlète entraîné.

L’approche de la BP consiste à concentrer un volume élevé de séances à une intensité cible pour développer un seul ou quelques aspects spécifiques de la performance. La BP manipule les stimuli HIT en les concentrants sur une courte période pour induire un impact physiologique supérieur à une périodisation TRAD.

Dans les différentes approches de l’entraînement par bloc on peut citer le bloc HITSM (High Intensity Training Short Microcycle) qui consiste à concentrer un volume élevé de séances à haute intensité (HIT) sur une courte période (<28 jours) pouvant comprendre jusqu’à 11 séances HIT en 6 jours. Ces blocs HITSM provoquent ainsi des stimuli élevés pour renforcer l’adaptation à l’endurance.

Mais voilà, pour que ces séances HIT soient parfaitement assimilées par l’organisme, il faut programmer à la suite 5 à 7 jours d’entraînement exclusivement à basse intensité pour réduire la fatigue accumulée et aider le SNA à se réguler positivement.

Avant de programmer un bloc HITSM aux athlètes, il faut d’abord s’assurer qu’ils ont une solide base aérobie leur permettant d’assimiler la forte élévation de charge d’entraînement sur une courte durée. Ainsi, il faut être attentif à l’utilisation des blocs HITSM qui peuvent exposer les athlètes à une forte fatigue aiguë, une baisse temporaire des performances, une perception modifiée de la difficulté de l’effort (⬆️ RPE) et même à un surentraînement s’ils sont mal agencés.

Pour obtenir les meilleurs effets des blocs HITSM, il est vivement recommandé d’avoir un bon contrôle des intensités d’entraînement ainsi qu’un suivi conjoint de la réponse cardiaque à l’exercice sous-maximal, de la HRV et du wellness. Je vous recommande de lire ces articles sur le contrôle de la charge d’entraînement avant de vous lancer dans cette approche de l’entraînement :

Mais attention l’accumulation de séances HIT sur une courte période ne signifie pas qu’il faut utiliser stratégie tout le temps avec tous les athlètes ! Il est important de programmer une alternance de bloc HIT et de bloc de base aérobie. Il faut savoir qu’avec la BP on n’augmente généralement pas le nombre de séances HIT mais on procède à une répartition plus optimisée de ce type de séance. Prenons l’exemple de l’étude de Ronnestad (2012) durant laquelle les cyclistes ont suivi un entraînement de 12 semaines intégrant 24 séances HIT avec une répartition différentes des séances HIT selon les groupes (figure 2) :

  • Le groupe BP a alterné pendant 12 semaines : un bloc d’une semaine comprenant 5 séances HIT suivi de trois semaines avec 1 seule séance HIT/  par semaine mais avec un volume élevé de LIT

  • Le groupe TRAD a lui réalisé 2 séances HIT/ semaine durant les 12 semaines

  • La charge d’entraînement était donc équivalente pour les 2 groupes durant ces 12 semaines

Les tests post-protocole ont pu mettre en évidence une plus grosse progression du groupe BP avec :

↗️VO2max

↗️Masse d’hémoglobine

↗️Puissance à 2mmol/ L

↗️Puissance sur un contre la montre de 40’

On pourrait également citer l’étude de cas (Solli & al, 2019) de l’entraînement d’un des meilleurs skieurs de fond (8 médailles d’or olympiques, 18 titres de champion du monde et 114 victoires en coupe du monde) qui a utilisé avec succès la BP pendant plusieurs saison. Dans cette étude ils ont essentiellement détaillé son entraînement durant la saison 2005-2006 au cours de laquelle les performances obtenues ont été de haut niveau.

Les chiffres de la préparation :

  • 45% des séances annuelles d’entraînement HIT ont été réparties en 7 blocs HIT

  • Chaque bloc variant de 7 à 11 jours

  • Chacun comprenant 8 à 13 séances HIT

Cette comparaison de l’entraînement BP vs TRAD permet de bien se rendre compte de la différence de contenu entre les 2 approches avec une forte concentration de séances HIT durant la semaine BP (figure 3). Vous pouvez également voir que la durée des intervalles HIT n’est jamais inférieure à 3’.

La comparaison de l’agencement des blocs par rapport à une périodisation TRAD montre une plus faible concentration des séances MIT et un maintien des séances HIT tout au long de l’année (figure 4).

Bien entendu cette étude de cas est à prendre avec précaution car il s’agit là de la préparation d’un des meilleurs skieurs de fond du monde ayant un staff à ses côtés lui permettant d’optimiser sa préparation (coach, nutritionniste, Kiné, médecin, sportscientist … … …).

Toutefois, si la BP est bien gérée au niveau de l’agencement des blocs et du contrôle de l’intensité, elle montre sa supériorité par rapport à la périodisation traditionnelle en ce qui concerner l’amélioration de la performance d’endurance (Mølmen & al, 2019).

Le contrôle de l’intensité des BP

Pour renforcer la progression des athlètes d’endurance on applique des stimuli d’entraînement  récurrents pour générer un stress plus ou moins élevé qui va déstabiliser l’homéostasie de l’organisme, en réponse celui-ci va mettre en place les adaptations nécessaires pour se renforcer afin de répondre positivement aux sollicitations ultérieures.

Le saviez-vous ?

Un stimulus d’entraînement est une interaction entre le volume (durée/ KM), l’intensité et la fréquence des séances.

On peut donc agir sur le volume, la fréquence et/ ou l’intensité d’entraînement pour augmenter ou réduire le stress d’entraînement.

En maintenant le MMSS, état d’équilibre entre l’apparition et la disparition du lactate sanguin, on peut accumuler un temps plus élevé d’entraînement à une intensité permettant de repousser le seuil de tolérance à la fatigue.

Je vous suggère la lecture de cet article pour en apprendre plus sur le MMSS et les domaines d’intensité : cliquer ici

Un haut volume d’entraînement à basse intensité est utile pour progresser dans les disciplines d’endurance et encore plus dans les disciplines d’ultra-endurance. Ce volume d’entraînement élevé va permettre d’augmenter la capacité oxydative de l’organisme via les processus de biogenèse mitochondriale et l’augmentation de la capillarisation sanguine au sein de la fibre musculaire de type I (lente). L’amélioration du fonctionnement des fibres musculaires de type I (lente), possédant un réseau dense de mitochondries, permet également d’apporter de l’oxygène dans les fibres de type II (rapide).

  • A basse intensité, la voie de signalisation cellulaire pour activer PGC1-alpha provient de l’accumulation de calcium (Ca2+) au niveau musculaire.

  • A intensité moyenne, le lactate va être présent sur une plus longue période et va agir comme une molécule de signalisation pour stimuler les adaptations physiologiques telles que la biogenèse mitochondriale

  • A haute intensité, l’augmentation du taux d’ATP pour satisfaire les besoins énergétique va faire augmenter la signalisation de l’AMPK, cette protéine kinase permet le maintient de l’équilibre entre la consommation et la production d’ATP, et activer PGC1-alpha. Il est important de signaler que l’AMPK n’intervient pas qu’à haute intensité, elle joue également un rôle important dans le métabolisme en agissant comme un senseur énergétique.

C’est la combinaison optimale entre les différentes intensités qui va permettre de progresser et d’être plus performant dans les disciplines d’endurance.

Une durée accumulée élevée d’entraînement proche du MMSS, dans le domaine d’intensité lourd « Heavy Domain (HD) » (figure 6), va permettre de renforcer la signalisation cellulaire qui va avoir comme effet d’augmenter le nombre de mitochondries et de densifier le réseau de capillaires au sein des unités motrices sollicitées (figure 7 et 8). Ces adaptations musculaires spécifiques vont améliorer la performance d’endurance.

Cette intensité spécifique va aussi optimiser le nombre d’unités motrices sollicitées, améliorer leur fonctionnement et permettre un travail aux intensités proches des compétitions.

L’avantage des séances à cette intensité MMSS est d’améliorer le potentiel d’oxydation du pyruvate et/ ou du lactate avec une augmentation de l’activité de la LDH-h (le lactate deshydrogénase catalyse l’oxydation de lactate en pyruvate).

Ces différentes adaptations vont augmenter l’intensité à MMSS et diminuer le taux de lactate sanguin pour une même intensité relative.

S’entraîner à une intensité inférieure à puissance/ vitesse critique (CP/ CS), intensité similaire au MMSS, d’environ 10% permet d’accumuler plus de temps dans le domaine d’intensité lourd en limitant le développement d’un taux de fatigue élevé qui imposerait une limitation de la durée d’entraînement. En effet, s’entraîner 10% au-dessus de MMSS génère 4 à 5x plus de fatigue ce qui ne permet pas d’accumuler une durée d’entraînement élevée à haute intensité.

L’étude de Sandbakk (2013) est intéressante sur ce sujet, ils ont analysé 3 modalités d’entraînement différentes auprès de skieurs de fond de haut niveau durant 8 semaines :

  • Le groupe 1 (SIG) a réalisé des séances HIT comprenant des intervalles de 2’ à 4’ pour un volume HIT accumulé de 15’ à 20’/ séance

  • Le groupe 2 (LIG) a lui effectué des intervalles à intensité HD de 5’ à 10’ pour un volume accumulé de 40’ à 45’/ séance

  • Le groupe 3 (LIT) a pour sa part réalisé toutes les séances à basse intensité

Les résultats sont assez intéressants (figure 6), le groupe qui s’est le plus amélioré n’est pas celui qui a réalisé des séances HIT (SIG) mais celui qui a pu accumuler le plus de temps à intensité HD (LIG).

Cette accumulation d’une durée élevée dans le domaine d’intensité lourd permet ainsi une adaptation mitochondriale et une amélioration du recrutement des unités motrices renforçant l’adaptation physiologique et, par conséquent, l’amélioration de la performance d’endurance.

Cette étude nous indique donc qu’il peut être plus avantageux pour les performances d’endurance de réduire légèrement l’intensité d’exercice et d’utiliser des intervalles plus longs chez les athlètes entraînés à l’endurance afin d’accumuler une durée plus importante à intensité HD et permettre des réponses adaptatives plus importantes.

En concevant des séances d’entraînement spécifiques et en contrôlant bien la durée et l’intensité, il est possible de passer du temps sur des intensités élevées sans accumuler beaucoup de lactate permettant de moins solliciter les fibres rapides, qui sont plus fatigables, afin d’optimiser le fonctionnement des fibres lentes et améliorer l’efficience mitochondriale.

On peut ainsi voir que les athlètes Norvégiens sont dans le vrai en réalisant leurs séances HIT au seuil (autour de 3,5mmol/ L de lactate sanguin).

Exemple d’une séance au MMSS pour un cycliste ayant une puissance critique (CP) de 311W :

  • 15*3’ à 95-105% CP/ r 1’ à 55-75% CP

Exemple d’une séance au MMSS pour un coureur ayant une vitesse critique (CS) de 3’22’’/ KM :

  • 40*1’ à 95-105% CS/ r 30’’ à 55-75% CS

En restant autour du MMSS, sur une durée d’intervalle courte avec une phase de contre-exercice, le lactate sanguin va rarement dépasser les 4mmol permettant ainsi d’accumuler plus de 40’ dans ce domaine d’intensité.

L’entraînement autour du MMSS permet ainsi d’induire un stress métabolique élevé accompagné d’une baisse du glycogène musculaire et d’une accumulation de métabolites dans le muscle ainsi qu’une tension neuromusculaire. De part ce fort stress métabolique, on préconise généralement 48h de récupération entre les séances difficiles afin de permettre au SNA d’assimiler et de se réguler positivement.

Les blocs HITSM s’intéressent justement à la manière de répartir de manière optimale les séances HIT en concentrant un plus grand nombre de séances dans ce registre d’intensité sur une courte période.

Conception des blocs HITSM

Tout d’abord, comme indiqué précédemment,  la clé la plus importante pour réussir un bloc HITSM est de bien contrôler l’intensité des séances d’entraînement.

Il faut également aborder les blocs HITSM avec précaution selon les disciplines : la natation et le vélo imposent moins de contraintes musculo-tendineuses que la course à pied. La concentration de séances HIT sur une courte période va affecter le système neuromusculaire/neuro-mécanique et augmenter le risque de surcharge mais également de blessures. Je suis pour ma part un peu plus réticent à utiliser les blocs HITSM chez les coureurs amateurs car ils seront très exposés à la blessure de part les chocs plus importants par rapport à une discipline portée.

Petite anecdote : j’étais entrain d’entraîner sur une piste d’athlétisme lorsqu’un entraîneur spécialiste de la course sur route m’a posé des questions sur les BP. Il m’a dit avoir lu l’article de Ronnestad (2012) et vouloir appliquer cette approche chez ses coureurs. Je lui ai recommandé de faire attention car 5 séances HIT d’affilés chez des coureurs est vraiment traumatisant surtout sur piste d’athlète en utilisant des % de VMA (je ne m’étendrais pas sur ce sujet). Il a quand même voulu testé, résultat tous les athlètes de son groupe qui ont suivi les 12 semaines d’entraînement se sont malheureusement blessés. Je ne le répéterais jamais assez, il est important d’avoir une approche “bénéfices vs risques”. Lorsque les risques l’emportent sur les bénéfices il vaut mieux utiliser une approche plus sécurisante apportant peut-être moins de résultats en terme de progression mais qui permet de prévenir les blessures et donc ne pas interrompre l’entraînement.

L’utilisation de la puissance/ vitesse critique comme intensité au MMSS + la FC, après profilage métabolique, est certainement l’approche la plus efficace sur le terrain que vous ayez ou non un analyseur de lactate pour contrôler l’intensité des séances d’entraînement.

Exemple d’un protocole chez des triathlètes pros :

Dans cet exemple on peut voir une concentration de 12 séances HIT en 9 jours. Ce protocole d’adresse vraiment à des triathlètes professionnels ayant du temps pour se reposer entre les séances, un nutritionniste pour optimiser la restauration du stock de glycogène musculaire et un Kiné pour réduire les tensions musculo-tendineuses.

Exemple d’un protocole HITSM utilisé auprès des athlètes

Depuis 2016 j’utilise périodiquement un protocole HITSM, que j’ai régulièrement modifié, concentrant 18 séances HIT en 4 semaines dont 12 séances HIT sur 2 semaines (figure 10), soit :

  • S1 : 3 séances HIT (1/ discipline)

  • S2-S3 : 6 séances HIT (2/ discipline)

  • S4 : 3 séances HIT (1/ discipline)

  • S5 : Semaine de décharge-assimilation

Attention, pour une meilleure compréhension, j’utilise le terme « HIT » pour les séances réalisées au-dessus du domaine d’intensité modéré donc à partir du domaine d’intensité lourd (HD) équivalent au MMSS

Il y a une augmentation progressive de la durée des intervalles longs allant de :

  • En vélo : de 30’ à 50’

  • En CàP : de 2Km à 6Km

En S2 et S3 il y a une alternance avec 3 séances construites avec des intervalles courts et 3 séances avec des intervalles longs.

La durée accumulée autour du MMSS (HD) allant de 40’ à 50’ sur les séances à intervalles courts et de 1h30’ à 2h30’ sur les séances comportant des intervalles longs.

L’intensité sur l’ensemble des séances LIT/ MMSS a été contrôlée avec la puissance/ vitesse critique :

  • LIT à 55-75% CP/ CS

  • MMSS à 91-105% CP/ CS

Ce protocole permet de gros gains de performances sur une courte durée, en moyenne :

  • Puissance critique (CP) +15W

  • Vitesse critique (CS) -10’’/ KM

Le protocole montre également une bonne amélioration de l’efficience aérobie (figure 14 et 15) qui indique une capacité à maintenir une puissance/ vitesse plus élevée avec une fréquence cardiaque plus basse.

Exemple d’un triathlète ayant réalisé le bloc HITSM durant sa préparation de l’IM Hawaii 2022 avec une belle performance à la clé :

  • 1:09:02 en natation

  • 4:56:56 en vélo

  • 3:20:32 sur le marathon

  • Pour un chrono global de 9:34:46

On peut voir que l’amélioration de son efficience aérobie a une réponse différée ce qui est parfaitement cohérent car on travaille sur l’humain, il faut laisser le temps à l’organisme de mettre en place les adaptations nécessaires.

Pour bien assimiler un protocole HITSM, il est intéressant d’avoir un suivi HRV pour s’assurer que l’athlète ne sombre pas dans un Nonfunctional overreaching. Pour cela, j’utilise une approche utilisant la stabilité du rMSSD pour contrôler la bonne régulation du SNA (figure 16 et 17).

Les Blocs « seuil » bi-quotidien

Nous voici arrivé à la partie sur les blocs « seuil » bi-quotidien utilisés avec succès par les athlètes Norvégiens.

Ces blocs sont issus de la BP mais également des travaux scientifiques sur le « Twice Day Training » qui ont montré que cette approche de l’entraînement permet d’améliorer l’efficience mitochondriale.

Comment fonctionnent exactement les blocs « seuil » bi-quotidien ?

On sait que l’entraînement en endurance génère un stimulus puissant qui favorise la biogenèse mitochondriale (création de nouveaux composants mitochondriaux conduisant à une augmentation du contenu et de la fonction mitochondriale). Des études scientifiques récentes ont également pu mettre en évidence qu’une séance d’entraînement réalisée avec des réserves réduites en glycogène musculaire, stratégie appelée « Train Low », pourrait augmenter les adaptations du métabolisme oxydatif comparativement à une séance réalisée avec un stock de glycogène musculaire normal.

De cette constatation sur l’intérêt de s’entraîner avec une réserve réduite en glycogène musculaire est né le modèle d’entraînement « Twice Day Training » qui consiste à réduire le glycogène musculaire lors de la 1ère séance d’entraînement à basse intensité puis de réaliser une séance HIT 1 à 3h plus tard en utilisant une manipulation nutritionnelle.

Réaliser une 1ère séance à basse intensité (90 à 120’) suivie 1 à 3h plus tard d’une séance HIT, avec des réserves réduites en glycogène musculaire, pourrait potentialiser l’augmentation des gènes liés à la biogenèse mitochondriale au cours de la 2ème séance par rapport à un entraînement traditionnel. Réaliser 2 séances d’entraînement rapprochées pourrait entraîner des adaptations plus importantes principalement au niveau mitochondrial que lorsque les 2 séances d’entraînement sont réalisées à des jours différents.

Le Twice Day Training pourrait ainsi permettre une amélioration de l’efficacité mitochondriale et entraînerait une plus grande abondance de PGC-1α, protéine clé pour la performance d’endurance.

Le Twice Day Training engendrerait une signalisation cellulaire plus importante que le TrainLow et aurait des effets plus importants sur la performance d’endurance attribuables à :

↘️Masse Corporelle

↘️Graisse Corporelle

↗️Augmentation du VO2max

↗️Amélioration du seuil lactique

↗️Meilleure oxydation des graisses à l’exercice

↗️Amélioration de la performance sur un contre la montre

↘️Diminution de la fatigue centrale et de la perception de la difficulté de l’effort

Le saviez-vous ?

L’entraînement avec des réserves de glycogène réduites permettrait une forte augmentation de l'expression de PGC-1α, qui, à son tour, stimule la gluconéogenèse hépatique et le métabolisme oxydatif des acides gras (flexibilité métabolique). L’amélioration de la flexibilité métabolique permet un changement dans l'utilisation des substrats énergétiques, exemple : utilisation du glucose ➡️ oxydation des acides gras, ce qui contribue à la préservation du glycogène musculaire.

Le modèle Norvégien

A la différence du modèle « Twice Day Training » utilisant une 1ère séance à basse intensité puis une 2ème séance HIT, le modèle d’entraînement Norvégien, développé par Marius BAKKEN, va plus loin en utilisant 2 séances au seuil dans la journée. Ces séances dans le domaine d’intensité Lourd (autour du MMSS) permettent d’éviter une trop forte sollicitation physiologique, comparativement à des séances HIT (domaine d’intensité sévère), et de réaliser 2 séances de ce type dans la même journée sans s’exposer à des niveaux de fatigue trop élevés.

De cette manière, l’athlète peut accumuler un temps élevé dans le domaine d’intensité lourd et ainsi générer une signalisation cellulaire accrue en particulier autour de la biogenèse mitochondriale qui, comme nous l’avons vu, est essentiel pour les performances d’endurance. L’avantage étant aussi de générer moins de contraintes musculo-tendineuses et donc de prévenir les blessures.

Exemple de l’utilisation des blocs HIT bi-quotidien :

L’objectif de l’athlète était de réaliser sa meilleure performance en CàP lors du WCS 70.3 2022.

L’utilisation d’une approche par BP avec des blocs HIT bi-quotidien qui permet d’élever rapidement les performances d’endurance de l’athlète a été choisi en préparation terminale. En partant de ce principe j’ai mis en place 13 blocs HIT bi-quotidien dans les 10 dernières semaines de la préparation avant l’objectif soit :

🏊🏻‍♂️ 8 séances HD en natation

🚴🏻‍♂️ 14 séances HD en vélo

🏃🏻‍♂️ 14 séances HD en CàP

🚴🏻‍♂️🏃🏻‍♂️ 1 séance d’enchaînement HD

🏊🏻‍♂️🚴🏻‍♂️🏃🏻‍♂️4 triathlons

Les blocs HIT bi-quotidien sont séparés en moyenne de 3 jours avec des séances exclusivement à basse intensité qui sont intercalées entre chaque bloc afin de restaurer l’équilibre du SNA.

Les blocs HIT bi-quotidien n’ont pas été utilisé en S9 et S10 afin de réduire la fatigue accumulée et permettre au SNA d’assimiler la charge d’entraînement et de s’adapter à un niveau supérieur.

NB : Il faut noter qu’un petit accident sur le vélo, avec blessure à la main, l’a empêché de nager en S38 et S39, d’où m’absence de séances durant cette période.

L’entraînement a également était guidé par la HRV afin de maintenir un rMSSD stable, les jours à basse intensité permettant de restaurer l’équilibre du SNA.

Cette approche qualitative au cours des 10 dernières semaines d’entraînement a été une réussite puisque l’athlète a atteint son objectif avec un chrono de 4:16:05 soit :

🏊🏻‍♂️ 0:32:30

🚴🏻‍♂️  2:18:06 (87,2% CP)

🏃🏻‍♂️1:17:50 (3’42’’/ KM) soit une amélioration de 9’’/ KM par rapport à sa meilleure performance sur la distance durant un triathlon (1:21:14 | 3’51’’ sur le 70.3 Vichy avec un parcours plat et plus rapide).

Depuis cet athlète a également amélioré :

  • Sa puissance critique avec +44W

  • Sa performance sur semi-marathon sec avec 1:11:36 soit -3’44’’ par rapport à son précédent record

Pour conclure :

Les blocs HITSM représentent une stratégie viable pour améliorer rapidement la performance d’endurance. S’ils sont bien gérés avec un contrôle strict de l’intensité d’entraînement et la mise en place de blocs de récupération, ils permettent d’améliorer de manière plus importante la performance d’endurance par rapport à une périodisation traditionnelle. Ils ont également l’avantage d’être plus attrayants pour l’athlète en brisant la monotonie de l’entraînement.

Pour optimiser la conception et l’efficacité du HITSM, il faut :

 
  • Au moins 2 séances HIT tous les 3 jours pendant des périodes allant de 7 à 21 jours

  • Avoir des blocs de travail à basse intensité (7 à 14 jours) qui alternent avec les blocs HIITSM

  • 5 séances HIT sur 7 jours suivi par 2 blocs de 7 jours à basse intensité semble générer de fortes adaptations

  • Les intervalles HIT doivent être >2’ et être contrôlés au niveau de l’intensité pour rester dans le domaine de l’intensité lourd autour du MMSS

Bibliographie :

  • Casado & al (2022). Does Lactate-Guided Threshold Interval Training within a High-Volume Low-Intensity Approach Represent the “Next Step” in the Evolution of Distance Running Training?

  • Dolci & al (2020). High-Intensity Interval Training Shock Microcycle for Enhancing Sport Performance: A Brief Review.

  • Ghiarone & al (2019). Twice-a-day training improves mitochondrial efficiency, but not mitochondrial biogenesis, compared with once-daily training.

  • Kiely & al (2019). Comment on “Biological Background of Block Periodized Endurance Training: A Review”.

  • Mølmen & al (2019). Block periodization of endurance training – a systematic review and meta-analysis.

  • Ronnestad & al (2012). Effects of 12 weeks of block periodization on performance and performance indices in well-trained cyclists.

  • Solli & al (2019). Block vs. Traditional Periodization of HIT: Two Different Paths to Success for the World’s Best Cross-Country Skier.

  • Timo Andre Bakken (2013). Effects of block periodization training versus traditional periodization training in trained cross country skiers.

  • Victor Amorim Andrade-Souza & al (2019). Exercise twice-a-day potentiates markers of mitochondrial biogenesis in men.

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