Le puzzle de la performance sur Triathlon – Distance Ironman

1. Introduction

Le Triathlon distance Ironman consiste à enchaîner, sans arrêt du chronomètre, 3.8 Km de natation, 180 Km de vélo et 42.195 Km de course à pied. Cette discipline est considérée comme une épreuve d’ultra-endurance multivariée (3 modes de locomotion différents) de part sa durée d’effort. En effet, le record sur la distance est de 8h18’13’’ chez les femmes et 7h35’39’’ chez les hommes.

Cette épreuve exigeante requière des ressources importantes au niveau (Jones & Carter, 2000) :

  • Physiologique
  • Musculo-squelettique
  • Psychologique
  • Nutritionnel

La préparation qui va poursuivre différents axes, avec en particulier l’adaptation du phénotype musculaire (masse musculaire, métabolisme énergétique, réseau capillaire, types de fibres) de l’athlète aux contraintes de l’activité, s’avère complexe à mettre en place.

Une parfaite connaissance ainsi qu’une compréhension des déterminants de l’activité sont essentielles afin d’assembler le puzzle qui permettra l’atteinte de la performance maximale en lien avec les capacités propres à chaque individu.

2. Analyse de l’activité Triathlon

2.1 Les déterminants spécifiques de la performance dans les sports de longue durée

Les exercices intenses et de longue durée nécessitent un apport d’oxygène important pour permettre une production d’énergie et un maintien de l’activité contractile via le processus oxydatif. Pour produire cette énergie l’organisme dégrade les substrats énergétiques issus de l’alimentation [cf. figure 1], en présence d’oxygène, pour les transformer en énergie chimique sous forme d’Adénosine TriPhosphate (ATP). Cette énergie chimique contenue dans la molécule d’ATP (stockée dans les liaisons phosphates) va permettre de produire, au sein de la cellule musculaire, l’énergie mécanique nécessaire à la contraction et au relâchement musculaire.

La consommation maximale d’oxygène (VO2max), montrant l’aptitude d’un sujet à prélever et utiliser l’oxygène au sein de la cellule musculaire pour produire de l’ATP, s’impose comme un indicateur central de la performance aérobie. Toutefois, le VO2max ne suffit à lui seul à expliquer les différences de performances interindividuelles au sein d’une population d’athlètes ayant des valeurs similaires de  VO2max (Costill, 1967 ; Foster & Lucia, 2007). 

En effet, l’atteinte d’une performance dans une épreuve de longue durée est la résultante de l’interaction de différents facteurs (Di Prampero, 2003 ; Nummela, 2006) [cf. figure 2] :

  • Le VO2max qui correspond au volume maximal d’oxygène qu’un individu peut consommer par unité de temps au niveau musculaire lors d’un exercice à intensité sévère.
  • Le coût énergétique (CE) qui correspond à la quantité d’énergie dépensée par unité de distance en fonction de la locomotion (natation, cyclisme, course à pied).
  • La Fraction d’utilisation du VO2max (FVO2max) qui représente le pourcentage de VO2max qui peut être maintenue durant l’épreuve
  • La capacité neuromusculaire à produire de la force.
Figure 1
Figure 2

Ces différents facteurs permettent d’estimer la performance sur une épreuve de longue durée avec une marge d’erreur <8% (Di Prampero, 1986 ; Di Prampero, 1993 ; Capelli & al, 1998).

Au niveau du mode de préparation il est important de distinguer le protocole d’entraînement à employer pour améliorer le CE en cyclisme (Cycling Economy) et celui du CE en course à pied (Running Economy). En effet, le cyclisme est essentiellement composé de contractions musculaires concentriques alors qu’en course à pied il y a une alternance de phase de freinage (contraction musculaire excentrique) et de poussée (contraction musculaire concentrique) au niveau des muscles extenseurs des membres inférieurs. Cette combinaison entre la phase de freinage et de poussée est connue sous le nom de « cycle étirement-détente ».

2.1.1. Rendement énergétique vs coût énergétique

Lors d’un exercice dynamique l’énergie chimique contenu dans les liaisons phosphates de l’ATP va permettre de maintenir le travail mécanique. La conversion d’énergie chimique en énergie mécanique permet de se rendre compte du rendement énergétique de l’organisme. Lorsque le rendement énergétique est relié à la consommation d’oxygène en fonction de la vitesse ou de la puissance développée on parle de coût énergétique. Un faible coût énergétique (CE) va permettre à l’athlète de produire une intensité plus élevée pour une même puissance métabolique. Le coût énergétique correspond ainsi au lien entre puissance métabolique et puissance mécanique. Le rendement énergétique correspond quant à lui à l’efficacité d’utilisation de l’énergie disponible.

2.1.2 Force musculaire et performance de longue durée

La force développée et la vitesse de contraction permettent de maintenir une puissance musculaire élevée lors d’un exercice de longue durée. L’augmentation ou le maintien de la puissance mécanique sera assuré par une élévation ou un maintien de la force musculaire produite. La force musculaire est ainsi un facteur important de la performance lors d’un exercice de longue durée durant lequel des valeurs de puissances mécaniques élevées sont développées par l’athlète (Coyle & al, 1991 ; Lucia & al, 1998 ; Borrani & al, 2003).

De plus, Billat (2013) a également récemment mis en évidence l’importance de la force comme facteur limitant du VO2max.

2.1.3 Les différentes formes de fatigues à l’exercice

La fatigue musculaire lors d’un exercice peut être définie par une diminution de la capacité du muscle à produire de la force ou de la puissance, que la tâche puisse être maintenue ou non (Sogaard & al, 2006).

Pour réaliser la meilleure performance possible lors d’une épreuve de longue durée, l’athlète va rechercher à produire et à maintenir la puissance la plus élevée possible. Dans ces conditions une fatigue va s’installer qui aura comme effet délétère un déclin de la performance musculaire.

Deux types de fatigue  pourront être distingués [cf. figure 3] :

  • La Fatigue centrale qui correspond à une réduction de la commande motrice au niveau nerveux.
  • La fatigue périphérique qui occasionne des changements métaboliques au niveau musculaire. Cette fatigue périphérique surviendrait avant la fatigue centrale (Lepers & al, 2002).

 

Lors d’un effort d’une durée prolongée (allant de 5h à 24h) différentes études ont pu mettre en évidence une baisse de la force maximale volontaire (CMV) à l’issue de l’épreuve (Lepers & al, 2002 ; Millet & al, 2003 ; Millet & al, 2011).

Lepers & al (2002) ont pu montrer une baisse progressive de CMV, au cours d’un effort de 5h effectué en laboratoire sur ergocycle, allant de -8 à -10% entre la 1ère et la 3ème heure, de -16% après la 4ème heure et jusqu’à -18% à l’issue de la 5ème heure.

L’activité neuromusculaire pourrait être impliquée dans l’apparition de la fatigue lors d’un exercice prolongé (St Clair Gibson, 2001 ; Kay, 2001).

Par ailleurs, il a également été avancé un modèle alternatif de la fatigue dit « Modèle du Gouverneur Central » (Noakes & al, 2004) selon lequel le cerveau régulerait de façon complexe l’ensemble des systèmes physiologiques durant l’effort afin de prévenir toutes mises en danger de l’organisme [cf. figure 4].

Figure 3
Figure 4

Durant l’exercice le cerveau régulerait en continu l’intensité de l’exercice par une modification du nombre d’unités motrices recrutées au niveau des muscles en activité. Selon ce modèle la fatigue ne serait donc pas un simple événement physiologique mais plutôt un système global qui permettrait de protéger l’organisme contre la production d’un effort trop dangereux pour son intégrité (St Clair Gibson & al, 2003).

2.2 La spécificité du Triathlon distance Ironman comme discipline d’ultra-endurance
2.2.1 Intensité employée

L’intensité d’effort lors d’un triathlon distance Ironman se situerait à environ 80% de FCmax (Laursen & al, 2005).

Une étude récente (Munoz & al, 2013) portant sur 7 triathlètes ayant effectués l’Ironman d’Autriche 2010 a pu analyser la distribution des intensités employées durant l’épreuve qui étaient respectivement de 31% [±24] au seuil ventilatoire 1 (SV1),  65% [±22] entre les SV1 et le SV2, 4% [±6] au seuil ventilatoire 2 (SV2). La partie natation et la partie cycliste de l’Ironman s’effectueraient principalement entre le SV1 et le SV2 (Munoz & al, 2013).

2.2.2 La demande énergétique

Un triathlon distance Ironman engendre une demande énergétique très élevée de l’ordre de 8500 à 11500 Kcal (Laursen & Rhodes, 2001).

Dans un modèle de simulation d’un triathlon distance Ironman, Noakes (2000) a montré que les réserves de glycogènes seraient pratiquement épuisées au bout de 4h30’ de vélo réalisé à 71% de VO2max. Malgré tout à l’issue des 180 Km de vélo les triathlètes élites sont capables de courir à une intensité >66% de VO2max (Jeukendrup, 2005). Un apport exogène d’hydrate de carbone est donc primordial.

De plus, l’optimisation du processus d’oxydation des graisses part un entraînement adapté s’avère important pour permettre à l’organisme de faire face à la demande énergétique très élevée durant l’épreuve. La mise en place d’une stratégie nutritionnelle personnalisée avant et pendant doit être envisagée car elle constitue la clé pour améliorer la performance durant une épreuve d’ultra-endurance du type Ironman.

2.2.3 Les douleurs gastriques

Les douleurs gatriques (DG) sont fréquemment rapportées par les athlètes pratiquant les sports d’endurance et en particulier les disciplines d’ultra-endurance. Ces DG et les différents symptômes associés [cf. tableau 1] engendrent des effets négatifs sur la performance,  sont responsables de contre-performances durant les compétitions ou peuvent également avoir un impact sur la récupération post-épreuve.

 

Tableau 1 – Symptômes DG

Ballonnements

Nausée

Crampes abdominale

Reflux gastrique

Diarrhée

Saignements intestinaux

Flatulence

Vomissement

 

Dans une étude portant sur des triathlètes lors d’une épreuve longue distance (Jeukendrup & al, 2000), il a été rapporté les chiffres suivants :

  • 93% déclarent avoir ressenti un symptôme DG
  • 43% déclarent avoir eu de sérieux problèmes gastriques
  • Et 7% ont abandonné à cause de problèmes gastriques

L’interaction de différents facteurs serait susceptible de provoquer ces douleurs gastriques :

  • Age
  • Sexe
  • Statut d’entraînement
  • Intensité de l’effort
  • Durée de l’effort
  • Conditions environnementales
  • … … …

Les causes physiologiques et mécaniques de ces DG sont nombreuses :

  • Hypoperfusion intestinale (diminution du flux sanguin) qui provoquerait nausée, vomissement, douleurs abdominales, et diarrhée.
  • Mauvaise vidange gastrique
  • Mauvaise absorption de l’eau et des glucides durant l’exercice de part une augmentation de la perméabilité intestinale. Cette augmentation de la perméabilité intestinale, observée à l’issue d’un marathon (Oktedalen & al, 1992), indiquerait des dommages au niveau de l’intestin.
  • Au niveau mécanique ce serait principalement les chocs répétés lors de la partie pédestre qui endommageraient la muqueuse intestinale et provoqueraient flatulences et diarrhée. En effet, les symptômes sont plus fréquemment révélés par les coureurs que par les cyclistes. Malgré tout la position aérodynamique durant la partie cycliste pourrait causer des DG. L’entraînement spécifique permettra de réduire les effets négatifs provoqués par les causes mécaniques.

La nutrition peut elle aussi avoir une forte influence dans les DG lors d’un exercice. Durant un triathlon longue distance, les DG peuvent être associées à l’ingestion de fibres, de lipides et de boissons glucidiques dont l’osmolarités est élevées (>500 mOsm/L). La consommation de produits laitiers est  également liée à l’apparition de troubles gastriques. Pour limiter les risques de DG durant l’exercice, il est préconisé de ne pas consommer d’aliments riches en protéines, lipides et fibres ainsi que des produits laitiers dans les 24h avant l’épreuve mais également durant l’épreuve.

Par ailleurs, l’ingestion de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens augmenterait 3 à 5 fois le risque de DG  (Gabriel & al, 1991).

Les notions de prévention seront développées dans la seconde partie du document consacré à l’entraînement.

2.2.4 L’hyponatrémie

Durant un effort de longue durée on observe une augmentation de la température corporelle. L’organisme va mettre en jeu différentes stratégies (thermolyse) pour lutter contre l’accumulation de cette chaleur endogène afin de prévenir un état d’hyperthermie qui pourrait s’avérer préjudiciable à la performance mais également dangereux pour le maintien de l’homéostasie. La principale stratégie adoptée par l’organisme sera le transfert de la chaleur métabolique vers la périphérie cutanée pour qu’elle soit dissipée. Cette stratégie correspond à la transpiration, elle s’accompagne d’une perte liquidienne importante, sous forme de sueur, qui va occasionner une baisse du volume sanguin et exposer l’athlète à une déshydratation. En parallèle ces pertes sudorales vont également s’accompagner d’une perte importante de sodium. Pour lutter contre cette déshydratation, l’athlète va augmenter sa consommation de liquide.

C’est à ce moment que peut survenir l’hyponatrémie qui est souvent décrites dans les disciplines d’ultra-endurance (>4h). L’hyponatrémie correspond à un déséquilibre hydrosodé causé par une absorption trop importante d’eau par rapport au sodium. Le risque d’hyponatrémie est encore plus accru lorsque l’activité est réalisée dans des conditions extrêmes (chaleur).

 

Les symptômes de l’hyponatrémie sont :

  • Douleurs musculaires
  • Nausées
  • Vomissements
  • Confusions
  • Vertiges
  • Maux de tête sévères
  • Douleurs abdominales
  • Diarrhée

Dans les cas extrêmes, l’hyponatrémie peut causer un coma et des séquelles neurologiques.   

Le traitement nécessite le repos dans une pièce fraiche avec restauration de l’équilibre électrolytique en fonction des données du ionogramme sanguin (Melin, B & al, 2004).

Pour prévenir un état d’hyponatrémie il est conseillé d’avoir un bon équilibre hydrosodique en ne consommant pas plus qu’on dépense, de ne pas surconsommer de liquide, de boire en respectant sa soif et de respecter une stratégie personnalisée avec une boisson énergétique adéquate.

A savoir qu’un apport excessif en sodium durant l’effort n’est pas nécessaire pour prévenir un état d’hyponatrémie.

2.2.5 Crampes musculaires à l’effort

Lors d’un effort de longue durée on observe une forte prévalence de crampes chez les athlètes (Kantorowski & al, 1990 ; Manjara & al, 1996).

La crampe est une contraction musculaire spontanée, involontaire, soutenue, et douloureuse qui peut durer quelques secondes à plusieurs minutes. Chez les triathlètes de longue distance celle-ci est généralement localisée au niveau des quadriceps, des mollets ou des ischio-jambiers.

A l’heure actuelle le mécanisme des crampes à l’effort n’est pas encore totalement élucidé. Différents facteurs peuvent être avancés comme : -L’athlète peu entrainé à l’effort effectué ; -La durée de l’effort ; -Le surentraînement ; -La déshydratation ; -Ou encore un problème mécanique au niveau de l’appareil musculo-squelettique.

Il est également souvent rapporté que les crampes proviendraient d’un déficit en sodium, ce qui pousse les athlètes d’endurance à utiliser fréquemment une supplémentation exogène en sodium durant l’épreuve. Toutefois, il n’y aurait aucun effet sur la prévention des crampes par l’apport de sodium (Schwellnus & al, 2010).

La survenue d’épisodes de crampes durant un effort de longue durée pourrait être  principalement associé à une fatigue neuromusculaire.

Sur un aspect pratique de prévention, une stratégie d’entraînement consisterait à effectuer de longue session d’entraînement à un intensité cible ou légèrement inférieur pour adapter le phénotype musculaire aux exigences de l’effort de compétition.

L’utilisation d’une stratégie de pacing durant l’épreuve est également un gage de prévention des crampes.

2.2.6 Les dommages musculaires

L’augmentation  des dommages musculaires durant l’exercice mais également post-exercice (Delayed Onset Muscle Soreness) est principalement causés par les contractions excentriques durant la partie pédestre (Suzuki & al., 2006 ; Nosaka & al., 2010) [cf. figure 5].

Les douleurs musculaires ressenties durant la partie pédestre d’un triathlon distance Ironman provoqueraient une moindre tolérance aux impacts au sol et une augmentation du temps de contact du pied au sol qui seraient associées à un affaiblissement du système contractile et à une diminution du réflexe myotatique (Horita & al, 1996 ; Horita & al, 1999). Le cycle étirement-détente permettant d’emmagasiner de l’énergie serait affaibli et entraînerait une  détérioration de la phase de freinage qui obligerait un travail accru pendant la phase de poussée. Il y aurait ainsi une compensation de la commande centrale pour faire face à l’affaiblissement de l’appareil contractile.

Un travail musculaire adéquat, à base de répétitions de mouvements (repeated bout effect), va permettre d’augmenter le niveau de tension appliqué aux structures musculo-tendineuses afin  de renforcer les muscles et les tendons et ainsi réduire les dommages musculaires (Clarkson & al, 1992). Les adaptations structurales et fonctionnelles pourront également rendre le système musculo-tendineux plus résistant aux contraintes mécaniques et ainsi optimiser la production et le transfert de force (Kjaer, 2004).

Figure 5 - dommages musculaires pré et post marathon
2.2.7 Notions de pacing

Le pacing correspond à la stratégie de gestion de l’effort qui sera la plus efficace et permettra à l’athlète de dégager la puissance mécanique la plus élevée durant l’ensemble de l’épreuve.

Dans la pratique sportive on peut distinguer différentes stratégies adoptées par les athlètes [cf. tableau 2].

Désignation

Description

All-out

Elle consiste à être au maximum de ses possibilités sur l’ensemble de l’épreuve. Cette stratégie est généralement utilisée dans les disciplines explosives (exemple : sprint sur 100m en athlétisme).

Negativ-split

Elle consiste à une augmentation de l’intensité durant l’épreuve. Cette stratégie est principalement employée par les athlètes de moyenne distance. Le but étant de retarder la déplétion importante des substrats énergétiques.

Positive-split

Elle consiste à une diminution de l’intensité durant l’épreuve. Cette stratégie est appliquée dans les épreuves de ½ fond court

Equilibrée

Elle consiste à utiliser une intensité constante sur l’ensemble de l’épreuve. Cette stratégie est principalement utilisée sur des courses ou l’on cherche à battre un record (exemple : record du monde de l’heure en cyclisme).

Stochastique

Elle consiste à employer une intensité variable sur l’ensemble de l’épreuve. On retrouve cette stratégie sur des épreuves dont les conditions du parcours sont changeantes (dénivelé, vent).

Tableau 2

Dans les efforts d’ultra-endurance il semblerait que les athlètes aient tendances à utiliser la stratégie en positive split avec une diminution de l’intensité au fur et mesure de l’épreuve.

Abbiss & al (2006) ont étudié la stratégie d’allure employée par des triathlètes durant la partie cycliste (180 Km) d’un triathlon distance Ironman en  les équipant d’un capteur de puissance. Pour ce faire ils ont analysé les données de puissance, cadence et vitesse sur chaque tour de 60 Km. Ils ont pu mettre en évidence une diminution progressive de ces 3 paramètres à chaque tour. La diminution des ces paramètres pourrait être engendrée par une déplétion en glycogène, une fatigue neuromusculaire et une perception accrue de la fatigue psychologique.

En effet, dans une configuration de course où la confrontation aux autres athlètes est exacerbée, l’athlète s’engage souvent (toujours ?) sur des allures en fonction des autres concurrents en se disant : « je m’accroche au maximum, cette fois ça va peut-être passer ». Ce genre de stratégie d’allure ne passe jamais sur distance Ironman avec bien souvent une grosse souffrance durant le marathon. La meilleure stratégie est de rester dans sa bulle en restant dans sa cible d’allure qui a été travaillé de longues heures à l’entraînement.

Pour déterminer un pacing individuel adéquat il est nécessaire de cerner en amont de l’épreuve les causes de la fatigue (sur distance IM) qui peuvent avoir une conséquence négative sur la gestion d’allure. Pour en citer quelques unes (Burnley & Jones, 2007) :

  • La baisse des réserves en glycogène. Une étude de Noakes et al. (2000) a en effet mis en évidence un épuisement pratiquement complet des réserves en glycogène au bout de 4h30’ de vélo réalisés à 71% de O2 max ;
  • Le développement d’un état d’hyperthermie durant les courses en ambiance chaude ;
  • L’apparition de dommages musculaires ;
  • La baisse de la commande centrale (au niveau nerveux) qui réduit l’intensité de la contraction musculaire ;
  • La baisse de motivation.

 

Nous pouvons jouer sur ces différents éléments en utilisant une approche spécifique :

  • Définition d’un pacing optimal qui aura été travaillé en amont durant la préparation avec des séances spécifiques.
  • Le concept d’intensité critique (relation linéaire entre l’intensité et le temps) est une approche efficace ayant fait ses preuves sur distance IM. Pour faire simple, plus l’épreuve est longue et moins l’intensité est élevée.
  • Différents tests de terrain peuvent permettre de définir la puissance/ vitesse critique. L’intensité critique pouvant être maintenue ≈60’, une approche simple consiste à effectuer un effort à intensité maximale sur 60’ pour obtenir une valeur approximative de sa puissance/ vitesse critique.
  • A partir de la connaissance de cette donnée, selon le profil du parcours (plat ou montée), nous pouvons modéliser la puissance qui pourra être maintenue sans générer une fatigue néfaste à la réalisation de la performance ciblée.
  • Il ne faut pas voir cette notion de pacing sur le vélo comme une intensité qui permettra de réaliser la meilleure performance dans cette discipline mais plutôt comme la gestion de sa réserve d’énergie qui permettra d’aborder le marathon dans les meilleures conditions possible afin de réaliser la meilleure performance globale dans chaque discipline.
  • Le pacing en vélo est propre à chaque individu par rapport à sa relation individuelle puissance-temps.
  • On peut toutefois faire ressortir une puissance moyenne qui peut être maintenue sur le parcours vélo d’un Ironman entre 75-80% de puissance critique. Mais attention le maintien d’un % de puissance critique dépend de la durée de l’épreuve, plus l’effort sera long moins le % de puissance critique sera élevé. 

Il faut également savoir que la stratégie d’allure employée durant une épreuve pourrait  être régulée par un système de contrôle intégratif du cerveau (Ulmer, 1996). D’après ce modèle de téléoanticipation l’expérience des exercices effectués antérieurement par  l’athlète,  la connaissance de la durée ou de la distance permettrait au cerveau de traiter l’information provenant des signaux afférents (arrivant au cerveau), via les systèmes périphériques, pour les comparer et les traiter à partir d’un algorithme décisionnel pour fixer l’allure à adopter en fonction de la nature de l’exercice (St Clair Gibson & al, 2006). L’intensité de l’exercice serait ainsi régulée de manière non consciente par une modulation du nombre d’unités motrices recrutées [cf. figure  4].

Il y aurait également une part consciente dans la régulation de l’intensité durant l’effort (Lambert & al, 2005) [cf. figure 6].

Figure 6

En effet, l’athlète peut poursuivre l’exercice malgré l’apparition d’un certain degré fatigue. Par contre l’augmentation de la perception de l’effort réduirait l’envie de l’athlète d’évoluer à une intensité élevée.

Les processus conscient et non-conscient seraient complémentaires pour réguler au mieux l’intensité durant un effort que ce soit durant les phases d’entraînement ou pendant une compétition [cf. figure 7].

Figure 7
2.2.8 Altération de la performance et enchaînement des disciplines

L’enchaînement vélo-course à pied peut s’avérer être le passage le plus difficile lors d’un triathlon distance Ironman avec de multiples altérations physiologiques et biomécaniques par rapport à une course à pied isolée. De multiples travaux ont été menés sur les caractéristiques de l’enchaînement vélo-course à pied (Danner et Plowman, 1995 ; Gottschall et Palmer, 2000 ; Guézennec et coll., 1996 ; Hausswirth et coll., 1996, 1997a ; Hue et coll., 1998 ; Millet et coll., 2000, 2001), il en ressort une augmentation des paramètres suivants :

  • Coût énergétique (CE)
  • VO2max
  • Ventilation
  • Fréquence cardiaque.

Les altérations de performance en course à pied lors d’un triathlon longue distance sont souvent à mettre en relation avec la fatigue générée par la partie cycliste (Hausswirth et Lehenaff, 2001). Dans ce contexte, la mise en place d’une stratégie d’allure spécifique lors de la partie cycliste, avec l’utilisation d’un capteur de puissance, peut s’avérer être payante pour réduire les effets délétères évoqués précédemment.

Millet & al (2001) mettent également en avant l’importance d’inclure des  sessions d’entraînement à base d’enchaînement spécifique entre les disciplines lors de la préparation afin de limiter les altérations physiologiques et biomécaniques.

3. Conclusion

Cette 1ère partie théorique permet de faire un tour d’horizon des différents facteurs qui influencent la performance sur distance Ironman.

En ayant connaissance de ces déterminants de la performance :

  • Physiologique
  • Musculo-squelettique
  • Psychologique
  • Nutritionnel

L’entraîneur va pouvoir construire un entraînement adapté à ces différentes exigences pour permettre aux athlètes d’atteindre leurs objectifs sur distance IronMan.

4. Bibliographie

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1. Introduction

Le Triathlon distance Ironman consiste à enchaîner, sans arrêt du chronomètre, 3.8 Km de natation, 180 Km de vélo et 42.195 Km de course à pied. Cette discipline est considérée comme une épreuve d’ultra-endurance multivariée (3 modes de locomotion différents) de part sa durée d’effort. En effet, le record sur la distance est de 8h18’13’’ chez les femmes et 7h35’39’’ chez les hommes.

Cette épreuve exigeante requière des ressources importantes au niveau (Jones & Carter, 2000) :

  • Physiologique
  • Musculo-squelettique
  • Psychologique
  • Nutritionnel

La préparation qui va poursuivre différents axes, avec en particulier l’adaptation du phénotype musculaire (masse musculaire, métabolisme énergétique, réseau capillaire, types de fibres) de l’athlète aux contraintes de l’activité, s’avère complexe à mettre en place.

Une parfaite connaissance ainsi qu’une compréhension des déterminants de l’activité sont essentielles afin d’assembler le puzzle qui permettra l’atteinte de la performance maximale en lien avec les capacités propres à chaque individu.

2. Analyse de l’activité Triathlon

2.1 Les déterminants spécifiques de la performance dans les sports de longue durée

Les exercices intenses et de longue durée nécessitent un apport d’oxygène important pour permettre une production d’énergie et un maintien de l’activité contractile via le processus oxydatif. Pour produire cette énergie l’organisme dégrade les substrats énergétiques issus de l’alimentation [cf. figure 1], en présence d’oxygène, pour les transformer en énergie chimique sous forme d’Adénosine TriPhosphate (ATP). Cette énergie chimique contenue dans la molécule d’ATP (stockée dans les liaisons phosphates) va permettre de produire, au sein de la cellule musculaire, l’énergie mécanique nécessaire à la contraction et au relâchement musculaire.

La consommation maximale d’oxygène (VO2max), montrant l’aptitude d’un sujet à prélever et utiliser l’oxygène au sein de la cellule musculaire pour produire de l’ATP, s’impose comme un indicateur central de la performance aérobie. Toutefois, le VO2max ne suffit à lui seul à expliquer les différences de performances interindividuelles au sein d’une population d’athlètes ayant des valeurs similaires de  VO2max (Costill, 1967 ; Foster & Lucia, 2007). 

En effet, l’atteinte d’une performance dans une épreuve de longue durée est la résultante de l’interaction de différents facteurs (Di Prampero, 2003 ; Nummela, 2006) [cf. figure 2] :

  • Le VO2max qui correspond au volume maximal d’oxygène qu’un individu peut consommer par unité de temps au niveau musculaire lors d’un exercice à intensité sévère.
  • Le coût énergétique (CE) qui correspond à la quantité d’énergie dépensée par unité de distance en fonction de la locomotion (natation, cyclisme, course à pied).
  • La Fraction d’utilisation du VO2max (FVO2max) qui représente le pourcentage de VO2max qui peut être maintenue durant l’épreuve
  • La capacité neuromusculaire à produire de la force.
Figure 1
Figure 2

Ces différents facteurs permettent d’estimer la performance sur une épreuve de longue durée avec une marge d’erreur <8% (Di Prampero, 1986 ; Di Prampero, 1993 ; Capelli & al, 1998).

Au niveau du mode de préparation il est important de distinguer le protocole d’entraînement à employer pour améliorer le CE en cyclisme (Cycling Economy) et celui du CE en course à pied (Running Economy). En effet, le cyclisme est essentiellement composé de contractions musculaires concentriques alors qu’en course à pied il y a une alternance de phase de freinage (contraction musculaire excentrique) et de poussée (contraction musculaire concentrique) au niveau des muscles extenseurs des membres inférieurs. Cette combinaison entre la phase de freinage et de poussée est connue sous le nom de « cycle étirement-détente ».

2.1.1. Rendement énergétique vs coût énergétique

Lors d’un exercice dynamique l’énergie chimique contenu dans les liaisons phosphates de l’ATP va permettre de maintenir le travail mécanique. La conversion d’énergie chimique en énergie mécanique permet de se rendre compte du rendement énergétique de l’organisme. Lorsque le rendement énergétique est relié à la consommation d’oxygène en fonction de la vitesse ou de la puissance développée on parle de coût énergétique. Un faible coût énergétique (CE) va permettre à l’athlète de produire une intensité plus élevée pour une même puissance métabolique. Le coût énergétique correspond ainsi au lien entre puissance métabolique et puissance mécanique. Le rendement énergétique correspond quant à lui à l’efficacité d’utilisation de l’énergie disponible.

2.1.2 Force musculaire et performance de longue durée

La force développée et la vitesse de contraction permettent de maintenir une puissance musculaire élevée lors d’un exercice de longue durée. L’augmentation ou le maintien de la puissance mécanique sera assuré par une élévation ou un maintien de la force musculaire produite. La force musculaire est ainsi un facteur important de la performance lors d’un exercice de longue durée durant lequel des valeurs de puissances mécaniques élevées sont développées par l’athlète (Coyle & al, 1991 ; Lucia & al, 1998 ; Borrani & al, 2003).

De plus, Billat (2013) a également récemment mis en évidence l’importance de la force comme facteur limitant du VO2max.

2.1.3 Les différentes formes de fatigues à l’exercice

La fatigue musculaire lors d’un exercice peut être définie par une diminution de la capacité du muscle à produire de la force ou de la puissance, que la tâche puisse être maintenue ou non (Sogaard & al, 2006).

Pour réaliser la meilleure performance possible lors d’une épreuve de longue durée, l’athlète va rechercher à produire et à maintenir la puissance la plus élevée possible. Dans ces conditions une fatigue va s’installer qui aura comme effet délétère un déclin de la performance musculaire.

Deux types de fatigue  pourront être distingués [cf. figure 3] :

  • La Fatigue centrale qui correspond à une réduction de la commande motrice au niveau nerveux.
  • La fatigue périphérique qui occasionne des changements métaboliques au niveau musculaire. Cette fatigue périphérique surviendrait avant la fatigue centrale (Lepers & al, 2002).

 

Lors d’un effort d’une durée prolongée (allant de 5h à 24h) différentes études ont pu mettre en évidence une baisse de la force maximale volontaire (CMV) à l’issue de l’épreuve (Lepers & al, 2002 ; Millet & al, 2003 ; Millet & al, 2011).

Lepers & al (2002) ont pu montrer une baisse progressive de CMV, au cours d’un effort de 5h effectué en laboratoire sur ergocycle, allant de -8 à -10% entre la 1ère et la 3ème heure, de -16% après la 4ème heure et jusqu’à -18% à l’issue de la 5ème heure.

L’activité neuromusculaire pourrait être impliquée dans l’apparition de la fatigue lors d’un exercice prolongé (St Clair Gibson, 2001 ; Kay, 2001).

Par ailleurs, il a également été avancé un modèle alternatif de la fatigue dit « Modèle du Gouverneur Central » (Noakes & al, 2004) selon lequel le cerveau régulerait de façon complexe l’ensemble des systèmes physiologiques durant l’effort afin de prévenir toutes mises en danger de l’organisme [cf. figure 4].

Figure 3
Figure 4

Durant l’exercice le cerveau régulerait en continu l’intensité de l’exercice par une modification du nombre d’unités motrices recrutées au niveau des muscles en activité. Selon ce modèle la fatigue ne serait donc pas un simple événement physiologique mais plutôt un système global qui permettrait de protéger l’organisme contre la production d’un effort trop dangereux pour son intégrité (St Clair Gibson & al, 2003).

2.2 La spécificité du Triathlon distance Ironman comme discipline d’ultra-endurance
2.2.1 Intensité employée

L’intensité d’effort lors d’un triathlon distance Ironman se situerait à environ 80% de FCmax (Laursen & al, 2005).

Une étude récente (Munoz & al, 2013) portant sur 7 triathlètes ayant effectués l’Ironman d’Autriche 2010 a pu analyser la distribution des intensités employées durant l’épreuve qui étaient respectivement de 31% [±24] au seuil ventilatoire 1 (SV1),  65% [±22] entre les SV1 et le SV2, 4% [±6] au seuil ventilatoire 2 (SV2). La partie natation et la partie cycliste de l’Ironman s’effectueraient principalement entre le SV1 et le SV2 (Munoz & al, 2013).

2.2.2 La demande énergétique

Un triathlon distance Ironman engendre une demande énergétique très élevée de l’ordre de 8500 à 11500 Kcal (Laursen & Rhodes, 2001).

Dans un modèle de simulation d’un triathlon distance Ironman, Noakes (2000) a montré que les réserves de glycogènes seraient pratiquement épuisées au bout de 4h30’ de vélo réalisé à 71% de VO2max. Malgré tout à l’issue des 180 Km de vélo les triathlètes élites sont capables de courir à une intensité >66% de VO2max (Jeukendrup, 2005). Un apport exogène d’hydrate de carbone est donc primordial.

De plus, l’optimisation du processus d’oxydation des graisses part un entraînement adapté s’avère important pour permettre à l’organisme de faire face à la demande énergétique très élevée durant l’épreuve. La mise en place d’une stratégie nutritionnelle personnalisée avant et pendant doit être envisagée car elle constitue la clé pour améliorer la performance durant une épreuve d’ultra-endurance du type Ironman.

2.2.3 Les douleurs gastriques

Les douleurs gatriques (DG) sont fréquemment rapportées par les athlètes pratiquant les sports d’endurance et en particulier les disciplines d’ultra-endurance. Ces DG et les différents symptômes associés [cf. tableau 1] engendrent des effets négatifs sur la performance,  sont responsables de contre-performances durant les compétitions ou peuvent également avoir un impact sur la récupération post-épreuve.

 

Tableau 1 – Symptômes DG

Ballonnements

Nausée

Crampes abdominale

Reflux gastrique

Diarrhée

Saignements intestinaux

Flatulence

Vomissement

 

Dans une étude portant sur des triathlètes lors d’une épreuve longue distance (Jeukendrup & al, 2000), il a été rapporté les chiffres suivants :

  • 93% déclarent avoir ressenti un symptôme DG
  • 43% déclarent avoir eu de sérieux problèmes gastriques
  • Et 7% ont abandonné à cause de problèmes gastriques

L’interaction de différents facteurs serait susceptible de provoquer ces douleurs gastriques :

  • Age
  • Sexe
  • Statut d’entraînement
  • Intensité de l’effort
  • Durée de l’effort
  • Conditions environnementales
  • … … …

Les causes physiologiques et mécaniques de ces DG sont nombreuses :

  • Hypoperfusion intestinale (diminution du flux sanguin) qui provoquerait nausée, vomissement, douleurs abdominales, et diarrhée.
  • Mauvaise vidange gastrique
  • Mauvaise absorption de l’eau et des glucides durant l’exercice de part une augmentation de la perméabilité intestinale. Cette augmentation de la perméabilité intestinale, observée à l’issue d’un marathon (Oktedalen & al, 1992), indiquerait des dommages au niveau de l’intestin.
  • Au niveau mécanique ce serait principalement les chocs répétés lors de la partie pédestre qui endommageraient la muqueuse intestinale et provoqueraient flatulences et diarrhée. En effet, les symptômes sont plus fréquemment révélés par les coureurs que par les cyclistes. Malgré tout la position aérodynamique durant la partie cycliste pourrait causer des DG. L’entraînement spécifique permettra de réduire les effets négatifs provoqués par les causes mécaniques.

La nutrition peut elle aussi avoir une forte influence dans les DG lors d’un exercice. Durant un triathlon longue distance, les DG peuvent être associées à l’ingestion de fibres, de lipides et de boissons glucidiques dont l’osmolarités est élevées (>500 mOsm/L). La consommation de produits laitiers est  également liée à l’apparition de troubles gastriques. Pour limiter les risques de DG durant l’exercice, il est préconisé de ne pas consommer d’aliments riches en protéines, lipides et fibres ainsi que des produits laitiers dans les 24h avant l’épreuve mais également durant l’épreuve.

Par ailleurs, l’ingestion de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens augmenterait 3 à 5 fois le risque de DG  (Gabriel & al, 1991).

Les notions de prévention seront développées dans la seconde partie du document consacré à l’entraînement.

2.2.4 L’hyponatrémie

Durant un effort de longue durée on observe une augmentation de la température corporelle. L’organisme va mettre en jeu différentes stratégies (thermolyse) pour lutter contre l’accumulation de cette chaleur endogène afin de prévenir un état d’hyperthermie qui pourrait s’avérer préjudiciable à la performance mais également dangereux pour le maintien de l’homéostasie. La principale stratégie adoptée par l’organisme sera le transfert de la chaleur métabolique vers la périphérie cutanée pour qu’elle soit dissipée. Cette stratégie correspond à la transpiration, elle s’accompagne d’une perte liquidienne importante, sous forme de sueur, qui va occasionner une baisse du volume sanguin et exposer l’athlète à une déshydratation. En parallèle ces pertes sudorales vont également s’accompagner d’une perte importante de sodium. Pour lutter contre cette déshydratation, l’athlète va augmenter sa consommation de liquide.

C’est à ce moment que peut survenir l’hyponatrémie qui est souvent décrites dans les disciplines d’ultra-endurance (>4h). L’hyponatrémie correspond à un déséquilibre hydrosodé causé par une absorption trop importante d’eau par rapport au sodium. Le risque d’hyponatrémie est encore plus accru lorsque l’activité est réalisée dans des conditions extrêmes (chaleur).

 

Les symptômes de l’hyponatrémie sont :

  • Douleurs musculaires
  • Nausées
  • Vomissements
  • Confusions
  • Vertiges
  • Maux de tête sévères
  • Douleurs abdominales
  • Diarrhée

Dans les cas extrêmes, l’hyponatrémie peut causer un coma et des séquelles neurologiques.   

Le traitement nécessite le repos dans une pièce fraiche avec restauration de l’équilibre électrolytique en fonction des données du ionogramme sanguin (Melin, B & al, 2004).

Pour prévenir un état d’hyponatrémie il est conseillé d’avoir un bon équilibre hydrosodique en ne consommant pas plus qu’on dépense, de ne pas surconsommer de liquide, de boire en respectant sa soif et de respecter une stratégie personnalisée avec une boisson énergétique adéquate.

A savoir qu’un apport excessif en sodium durant l’effort n’est pas nécessaire pour prévenir un état d’hyponatrémie.

2.2.5 Crampes musculaires à l’effort

Lors d’un effort de longue durée on observe une forte prévalence de crampes chez les athlètes (Kantorowski & al, 1990 ; Manjara & al, 1996).

La crampe est une contraction musculaire spontanée, involontaire, soutenue, et douloureuse qui peut durer quelques secondes à plusieurs minutes. Chez les triathlètes de longue distance celle-ci est généralement localisée au niveau des quadriceps, des mollets ou des ischio-jambiers.

A l’heure actuelle le mécanisme des crampes à l’effort n’est pas encore totalement élucidé. Différents facteurs peuvent être avancés comme : -L’athlète peu entrainé à l’effort effectué ; -La durée de l’effort ; -Le surentraînement ; -La déshydratation ; -Ou encore un problème mécanique au niveau de l’appareil musculo-squelettique.

Il est également souvent rapporté que les crampes proviendraient d’un déficit en sodium, ce qui pousse les athlètes d’endurance à utiliser fréquemment une supplémentation exogène en sodium durant l’épreuve. Toutefois, il n’y aurait aucun effet sur la prévention des crampes par l’apport de sodium (Schwellnus & al, 2010).

La survenue d’épisodes de crampes durant un effort de longue durée pourrait être  principalement associé à une fatigue neuromusculaire.

Sur un aspect pratique de prévention, une stratégie d’entraînement consisterait à effectuer de longue session d’entraînement à un intensité cible ou légèrement inférieur pour adapter le phénotype musculaire aux exigences de l’effort de compétition.

L’utilisation d’une stratégie de pacing durant l’épreuve est également un gage de prévention des crampes.

2.2.6 Les dommages musculaires

L’augmentation  des dommages musculaires durant l’exercice mais également post-exercice (Delayed Onset Muscle Soreness) est principalement causés par les contractions excentriques durant la partie pédestre (Suzuki & al., 2006 ; Nosaka & al., 2010) [cf. figure 5].

Les douleurs musculaires ressenties durant la partie pédestre d’un triathlon distance Ironman provoqueraient une moindre tolérance aux impacts au sol et une augmentation du temps de contact du pied au sol qui seraient associées à un affaiblissement du système contractile et à une diminution du réflexe myotatique (Horita & al, 1996 ; Horita & al, 1999). Le cycle étirement-détente permettant d’emmagasiner de l’énergie serait affaibli et entraînerait une  détérioration de la phase de freinage qui obligerait un travail accru pendant la phase de poussée. Il y aurait ainsi une compensation de la commande centrale pour faire face à l’affaiblissement de l’appareil contractile.

Un travail musculaire adéquat, à base de répétitions de mouvements (repeated bout effect), va permettre d’augmenter le niveau de tension appliqué aux structures musculo-tendineuses afin  de renforcer les muscles et les tendons et ainsi réduire les dommages musculaires (Clarkson & al, 1992). Les adaptations structurales et fonctionnelles pourront également rendre le système musculo-tendineux plus résistant aux contraintes mécaniques et ainsi optimiser la production et le transfert de force (Kjaer, 2004).

Figure 5 - dommages musculaires pré et post marathon
2.2.7 Notions de pacing

Le pacing correspond à la stratégie de gestion de l’effort qui sera la plus efficace et permettra à l’athlète de dégager la puissance mécanique la plus élevée durant l’ensemble de l’épreuve.

Dans la pratique sportive on peut distinguer différentes stratégies adoptées par les athlètes [cf. tableau 2].

Désignation

Description

All-out

Elle consiste à être au maximum de ses possibilités sur l’ensemble de l’épreuve. Cette stratégie est généralement utilisée dans les disciplines explosives (exemple : sprint sur 100m en athlétisme).

Negativ-split

Elle consiste à une augmentation de l’intensité durant l’épreuve. Cette stratégie est principalement employée par les athlètes de moyenne distance. Le but étant de retarder la déplétion importante des substrats énergétiques.

Positive-split

Elle consiste à une diminution de l’intensité durant l’épreuve. Cette stratégie est appliquée dans les épreuves de ½ fond court

Equilibrée

Elle consiste à utiliser une intensité constante sur l’ensemble de l’épreuve. Cette stratégie est principalement utilisée sur des courses ou l’on cherche à battre un record (exemple : record du monde de l’heure en cyclisme).

Stochastique

Elle consiste à employer une intensité variable sur l’ensemble de l’épreuve. On retrouve cette stratégie sur des épreuves dont les conditions du parcours sont changeantes (dénivelé, vent).

Tableau 2

Dans les efforts d’ultra-endurance il semblerait que les athlètes aient tendances à utiliser la stratégie en positive split avec une diminution de l’intensité au fur et mesure de l’épreuve.

Abbiss & al (2006) ont étudié la stratégie d’allure employée par des triathlètes durant la partie cycliste (180 Km) d’un triathlon distance Ironman en  les équipant d’un capteur de puissance. Pour ce faire ils ont analysé les données de puissance, cadence et vitesse sur chaque tour de 60 Km. Ils ont pu mettre en évidence une diminution progressive de ces 3 paramètres à chaque tour. La diminution des ces paramètres pourrait être engendrée par une déplétion en glycogène, une fatigue neuromusculaire et une perception accrue de la fatigue psychologique.

En effet, dans une configuration de course où la confrontation aux autres athlètes est exacerbée, l’athlète s’engage souvent (toujours ?) sur des allures en fonction des autres concurrents en se disant : « je m’accroche au maximum, cette fois ça va peut-être passer ». Ce genre de stratégie d’allure ne passe jamais sur distance Ironman avec bien souvent une grosse souffrance durant le marathon. La meilleure stratégie est de rester dans sa bulle en restant dans sa cible d’allure qui a été travaillé de longues heures à l’entraînement.

Pour déterminer un pacing individuel adéquat il est nécessaire de cerner en amont de l’épreuve les causes de la fatigue (sur distance IM) qui peuvent avoir une conséquence négative sur la gestion d’allure. Pour en citer quelques unes (Burnley & Jones, 2007) :

  • La baisse des réserves en glycogène. Une étude de Noakes et al. (2000) a en effet mis en évidence un épuisement pratiquement complet des réserves en glycogène au bout de 4h30’ de vélo réalisés à 71% de O2 max ;
  • Le développement d’un état d’hyperthermie durant les courses en ambiance chaude ;
  • L’apparition de dommages musculaires ;
  • La baisse de la commande centrale (au niveau nerveux) qui réduit l’intensité de la contraction musculaire ;
  • La baisse de motivation.

 

Nous pouvons jouer sur ces différents éléments en utilisant une approche spécifique :

  • Définition d’un pacing optimal qui aura été travaillé en amont durant la préparation avec des séances spécifiques.
  • Le concept d’intensité critique (relation linéaire entre l’intensité et le temps) est une approche efficace ayant fait ses preuves sur distance IM. Pour faire simple, plus l’épreuve est longue et moins l’intensité est élevée.
  • Différents tests de terrain peuvent permettre de définir la puissance/ vitesse critique. L’intensité critique pouvant être maintenue ≈60’, une approche simple consiste à effectuer un effort à intensité maximale sur 60’ pour obtenir une valeur approximative de sa puissance/ vitesse critique.
  • A partir de la connaissance de cette donnée, selon le profil du parcours (plat ou montée), nous pouvons modéliser la puissance qui pourra être maintenue sans générer une fatigue néfaste à la réalisation de la performance ciblée.
  • Il ne faut pas voir cette notion de pacing sur le vélo comme une intensité qui permettra de réaliser la meilleure performance dans cette discipline mais plutôt comme la gestion de sa réserve d’énergie qui permettra d’aborder le marathon dans les meilleures conditions possible afin de réaliser la meilleure performance globale dans chaque discipline.
  • Le pacing en vélo est propre à chaque individu par rapport à sa relation individuelle puissance-temps.
  • On peut toutefois faire ressortir une puissance moyenne qui peut être maintenue sur le parcours vélo d’un Ironman entre 75-80% de puissance critique. Mais attention le maintien d’un % de puissance critique dépend de la durée de l’épreuve, plus l’effort sera long moins le % de puissance critique sera élevé. 

Il faut également savoir que la stratégie d’allure employée durant une épreuve pourrait  être régulée par un système de contrôle intégratif du cerveau (Ulmer, 1996). D’après ce modèle de téléoanticipation l’expérience des exercices effectués antérieurement par  l’athlète,  la connaissance de la durée ou de la distance permettrait au cerveau de traiter l’information provenant des signaux afférents (arrivant au cerveau), via les systèmes périphériques, pour les comparer et les traiter à partir d’un algorithme décisionnel pour fixer l’allure à adopter en fonction de la nature de l’exercice (St Clair Gibson & al, 2006). L’intensité de l’exercice serait ainsi régulée de manière non consciente par une modulation du nombre d’unités motrices recrutées [cf. figure  4].

Il y aurait également une part consciente dans la régulation de l’intensité durant l’effort (Lambert & al, 2005) [cf. figure 6].

Figure 6

En effet, l’athlète peut poursuivre l’exercice malgré l’apparition d’un certain degré fatigue. Par contre l’augmentation de la perception de l’effort réduirait l’envie de l’athlète d’évoluer à une intensité élevée.

Les processus conscient et non-conscient seraient complémentaires pour réguler au mieux l’intensité durant un effort que ce soit durant les phases d’entraînement ou pendant une compétition [cf. figure 7].

Figure 7
2.2.8 Altération de la performance et enchaînement des disciplines

L’enchaînement vélo-course à pied peut s’avérer être le passage le plus difficile lors d’un triathlon distance Ironman avec de multiples altérations physiologiques et biomécaniques par rapport à une course à pied isolée. De multiples travaux ont été menés sur les caractéristiques de l’enchaînement vélo-course à pied (Danner et Plowman, 1995 ; Gottschall et Palmer, 2000 ; Guézennec et coll., 1996 ; Hausswirth et coll., 1996, 1997a ; Hue et coll., 1998 ; Millet et coll., 2000, 2001), il en ressort une augmentation des paramètres suivants :

  • Coût énergétique (CE)
  • VO2max
  • Ventilation
  • Fréquence cardiaque.

Les altérations de performance en course à pied lors d’un triathlon longue distance sont souvent à mettre en relation avec la fatigue générée par la partie cycliste (Hausswirth et Lehenaff, 2001). Dans ce contexte, la mise en place d’une stratégie d’allure spécifique lors de la partie cycliste, avec l’utilisation d’un capteur de puissance, peut s’avérer être payante pour réduire les effets délétères évoqués précédemment.

Millet & al (2001) mettent également en avant l’importance d’inclure des  sessions d’entraînement à base d’enchaînement spécifique entre les disciplines lors de la préparation afin de limiter les altérations physiologiques et biomécaniques.

3. Conclusion

Cette 1ère partie théorique permet de faire un tour d’horizon des différents facteurs qui influencent la performance sur distance Ironman.

En ayant connaissance de ces déterminants de la performance :

  • Physiologique
  • Musculo-squelettique
  • Psychologique
  • Nutritionnel

L’entraîneur va pouvoir construire un entraînement adapté à ces différentes exigences pour permettre aux athlètes d’atteindre leurs objectifs sur distance IronMan.

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