1. Introduction
L’entraînement polarisé est une méthode d’entraînement efficace pour faire progresser un athlète pratiquant une discipline dite d’endurance (Triathlon, Trail, Cyclisme …) et l’aider à atteindre une performance maximale.
Cette méthode est notamment utilisée avec succès par les équipes Néo-Zélandaises, Australiennes et Anglaises de poursuite en cyclisme sur piste, par des triathlètes élites ou encore des athlètes de fond et ½ fond.
Une distribution judicieuse des intensités au sein du programme va permettre de maximiser les adaptations positives de l’organisme tout en minimisant les effets négatifs.
La méthode polarisée repose sur des bases biochimiques solides qu’il faut connaître et savoir manier judicieusement pour en tirer tous les bénéfices.
2. Le système oxydatif, producteur d’énergie
Les exercices intenses et de longue durée nécessitent un apport d’oxygène important pour permettre une production d’énergie et un maintien de l’activité contractile via le système oxydatif.
Pour produire cette énergie l’organisme dégrade les substrats énergétique issus de l’alimentation [cf. figure 1], en présence d’oxygène, pour les transformer en énergie chimique sous forme d’Adénosine TriPhosphate (ATP).
Cette énergie chimique contenue dans la molécule d’ATP (stockée dans les liaisons phosphates) va permettre de produire, au sein de la cellule musculaire, l’énergie mécanique nécessaire à la contraction et au relâchement musculaire.
La production d’énergie d’origine aérobie, principal système métabolique lors d’un effort de longue durée, a lieu au sein des mitochondries .
’’La mitochondrie est la centrale énergétique de la cellule musculaire. C’est là que se déroulent les dernières étapes de la respiration cellulaire qui vont transformer les substrats issus de l’alimentation en énergie directement utilisable par la cellule sous forme d’ATP’’
Les mitochondries jouent un rôle majeur dans la fourniture d’énergie métabolique. Elles sont douées d’importantes facultés d’adaptations face aux stimuli métaboliques induits par l’exercice.
Le saviez-vous ?
L’ATP est une molécule présente dans tous les organismes vivants. Son rôle principal est de fournir l’énergie nécessaire aux différentes réactions chimiques de l’organisme. L’ATP est la réserve d’énergie de la cellule. Elle constitue la seule source d’énergie utilisable par le muscle. L’ATP étant présente en très faible quantité au sein de l’organisme, elle doit être constamment re-synthétisée via les filières métaboliques.
Il y a une corrélation positive entre une haute valeur de VO²max, une bonne densité mitochondriale et un gros réseau de capillarisation des fibres musculaires.
3. Les adaptations induites par l’entraînement aérobie
a. Au niveau circulatoire
L’entraînement aérobie provoque une augmentation du transport de l’oxygène (0²) vers les muscles actifs.
Ce gain provient essentiellement de l’élévation du débit cardiaque (QC).
’’ Le débit cardiaque (QC) correspond au volume sanguin total éjecté par le ventricule en une minute. Le QC est le produit du Volume d’Ejection Systolique (VES) par la Fréquence Cardiaque, soit : QC = VES x FC’’
À intensité maximale, l’augmentation de QC n’est pas engendré par une élévation de la Fréquence Cardiaque Maximale (Fcmax), celle-ci ayant même tendance à baisser, mais plutôt par une augmentation du VES.
Ce gain de VES serait dû par :
- Une augmentation des cavités cardiaques
- Une augmentation de la contractilité du muscle cardiaque
- Une diminution des résistances périphériques avec l’augmentation de la capillarisation
- Et une augmentation du VES jusqu’au QC maximal (≠ du sédentaire)
b. Au niveau musculaire
Dans les disciplines de longue durée, le VO²max est l’un des principaux déterminants de la performance aérobie (Di Prampero, 2003).
L’entraînement recherchera une amélioration de la différence artério-veineuse [CaO2 – CvO2] qui sera favorisée par :
Une augmentation du nombre et de la taille des mitochondries
Une augmentation de la concentration des enzymes oxydatives qui favorise la vitesse des réactions chimiques
Une augmentation de la densité des capillaires
Une augmentation de la concentration en myoglobine
Et une diminution de l’affinité entre l’hémoglobine et l’O² qui favorise ainsi une meilleure diffusion d’oxygène au niveau musculaire.
"Une capillarisation élevée permet une diminution de la distance d’échange entre les globules rouges et les mitochondries."
Le saviez-vous ?
La myoglobine est une protéine qui transporte et stock l’oxygène dans les tissus musculaires.
4. L’alliance gagnante = LSDT + HIIT
Le but de l’entraînement aérobie est d’optimiser les processus d’adaptation au niveau circulatoire et musculaire.
L’alliance du travail à basse intensité, ou LSDT (pour Long Slow Distance Training), et du travail à haute intensité, ou HIIT (pour High Intensity Interval Training), va être complémentaire pour maximiser le signal adaptatif de la cellule musculaire afin d’augmenter ses capacités oxydatives.
Au niveau moléculaire le LSDT et le HIIT vont poursuivre le même objectif qui est d’activer un co-activateur de transcription dénommé PGC -1 α. Celui-ci va jouer un rôle clé dans les différentes adaptations liées à l’entraînement aérobie.
En effet, PGC -1 α joue un rôle majeur dans le contrôle du métabolisme énergétique au sein du muscle squelettique [figure 2] :
- Augmentation du nombre de mitochondries grâce à la stimulation de la biogénèse mitochondriale
- Amélioration de l’oxydation des acides gras
- Conversion des fibres musculaires de type II (rapides glycolitiques) en fibres de type I (lentes oxydatives)
- Captation accrue de glucose par une augmentation du nombre de GLUT4
"Une capillarisation élevée permet une diminution de la distance d’échange entre les globules rouges et les mitochondries."
L’optimisation de la signalisation de PGC -1 α va être rendu possible en alliant les différents processus biochimiques engendrés par le travail du LSDT et du HIIT.
Le saviez-vous ?
Les co-activateurs de transcription sont des protéines essentielles à l’expression des gênes. Ils sont impliqués dans l’activation de la machinerie transcriptionnelle. Au niveau génétique la transcription consiste, au niveau de la cellule, à copier l’ADN en ARN. Ensuite cet ARN sera traduit en séquences protéiques. Le but final étant la synthétisation de nouvelles protéines.
a. Le LSDT
L’exercice de longue durée impose aux muscles en activités des contractions répétées.
Au niveau biochimique ces contractions musculaires répétées vont engendrer une forte augmentation (+100 à 4000x) d’ions Calcium (Ca2+) [cf. figure 3].
Cette libération importante de Ca2+ va entraîner une stimulation d’une enzyme, la CaMK, qui elle-même va activer la signalisation de PGC -1 α .
Le saviez-vous ?
Le GLUT4 transporte le glucose dans les tissus adipeux et les muscles squelettiques.
"La mitochondrie a la particularité de posséder, en plus de son génome nucléaire, son propre génome qui lui permet de se répliquer."
"Une enzyme est une protéine qui joue un rôle de catalyseur et d’accélérateur au sein d’une réaction biochimique."
b. Le HIIT
L’entraînement réalisé à haute intensité va également permettre la signalisation de PGC -1 α .
Dans ce cas de figure, pour faire face à une forte demande en énergie, l’organisme va devoir augmenter sa production d’ATP à partir de l’association de 2 molécules d’Adénosine Diphosphate [ADP]. Ce fort taux de renouvellement de l’ATP à partir de ces 2 ADP va entraîner un surcoût d’Adénosine Mono Phosphate [AMP].
ADP + ADP = ATP + AMP
L’AMP va activer l’enzyme AMPK qui elle-même va stimuler la signalisation de PGC -1 α .
5. Applications pratiques
Le LSDT et la HIIT vont engendrer des adaptations physiologiques différentes (périphérique et/ ou centrale) tout en poursuivant le même but, à savoir la stimulation de PGC -1 α.
Pour ce faire il faudra veiller à bien distribuer, jour après jour, les intensités d’exercice au sein du programme d’entraînement.
a. Les intensités d’exercice
Habituellement dans les sports de longue durée les entraîneurs utilisent 5 à 7 zones d’intensités différentes [cf. figure 4] :
L’entraînement polarisé se résume lui à identifier 3 zones d’intensités en relation avec les seuils ventilatoires 1 et 2 [cf. figure 5].
Le saviez-vous ?
L’AMPK n’est activée que si l’intensité de l’exercice est >75% de VO²max.
L’entraînement s’effectue sous ou au-dessus de l’intensité cible de compétition :
Entraînement Dur & Entraînement Facile
Le saviez-vous ?
Le LSDT va maximiser les adaptations périphériques (exemple : la densité capillaire).
Le saviez-vous ?
Le HIIT va optimiser la signalisation des adaptations centrales (débit cardiaque) et des adaptations périphériques (densité capillaire et capacités oxydatives musculaires).
b. Monitorer son entraînement
Utiliser la méthode polarisée c’est surtout aborder la préparation d’une manière différente.
En effet, il ne faut plus penser aux fondements traditionnels de la programmation observant un agencement de cycles dit « foncier » (incluant essentiellement du travail à basse intensité) avant d’aborder les cycles intensifs.
L’entraînement polarisé consiste à mêler adéquatement Volume et Intensité. On ne parlera plus de programmation mais de monitorage de l’entraînement.
Distribution optimale de l’intensité : 75 à 80% de l’entraînement sera réalisé en Z1 5% en Zone 2 Et 15 à 20% en Zone 3
c. Les raisons du 80%-20%
Deux écoles s’affrontent bien souvent dans la préparation des athlètes d’endurance. L’une préconise le foncier et le travail à basse intensité tandis que l’autre s’oriente sur l’aspect qualitatif que procure le HIIT.
Il est maintenant reconnu, suite à une multitude de travaux scientifiques, que le HIIT permet d’améliorer efficacement le VO²max , le temps de maintien à VO²max ou encore la fonction cardiaque.
’’Alors pourquoi ne pas effectuer la majorité de son entraînement à haute intensité ? ’’
La performance maximale s’obtient par une balance entre l’optimisation des adaptations positives et la minimisation de la fatigue (Banister, 1986) [cf. figure 6].
Cependant, l’HIIT entraîne un déséquilibre du Système Nerveux Autonome (SNA) et engendre une fatigue.
La prescription d’un nombre élevé d’HIIT ne permettra pas une plus forte progression mais engendrera très certainement une fatigue accrue, une adaptation négative de l’organisme et un risque de surentraînement.
Le saviez-vous ?
Le système nerveux autonome (SNA) , ou végétatif, contrôle tout le fonctionnement interne et inconscient de notre corps comme par exemple : La Fréquence Cardiaque La pression artérielle La respiration … … … Le SNA est divisé en 2 grandes parties : Le système nerveux sympathique (ou orthosympathique) Le système nerveux parasympathique Ces deux systèmes sont souvent antagonistes mais ils fonctionnent ensemble. Le système nerveux sympathique est prédominant lorsque l’organisme est en situation d’alerte (stress, exercice ..) : Augmentation du rythme cardiaque Vasodilatation musculaire Augmentation de la pression artérielle … … … Le système nerveux parasympathique est le système de défense de l’organisme. Il joue un rôle majeur dans le maintien de l’homéostasie (équilibre des différentes constantes de l’organisme). Ses effets s’opposent en général à ceux du système sympathique comme par exemple la baisse de la fréquence cardiaque.
Planifier ou monitorer l’entraînement, il faut choisir ! Vers une nouvelle approche de l’entraînement.
’’Les vertus du LSDT’’
L’entraînement à faible intensité (<SV1) semble réduire les perturbations du SNA, améliorer la capacité de récupération et permettrait une meilleure assimilation de l’organisme à la suite d’exercices à haute intensité.
d. Vers une approche optimale de l’entraînement
Nombre de séances d’entraînement réalisées/ semaine |
Nombre de séances d’HIIT devant être réalisées/ semaine |
10 à 13 |
1 à 3 |
5 à 8 |
1 à 2 |
3 à 5 |
1 |
La récupération entre les séances joue également un rôle important pour optimiser les adaptations. A la suite d’une séance d’entraînement aérobie, l’une des stratégies utilisées par le muscle pour s’adapter consiste à augmenter son niveau d’expression génétique (permettant la stimulation de la biogénèse mitochondriale ), notamment lors de la récupération post-exercice. La stimulation du génome apparaît dès la 2ème heure qui suit l’arrêt de l’exercice et régresse vers une vingtaine d’heures après celui-ci.
Pour des entraînements quotidiens il conviendra d’observer environ 20h de récupération entre chaque séance. Dans le cadre de séances bi ou tri quotidiennes un minimum de 4h de repos entre chaque entraînement devrait permettre de limiter les interférences et laisser le temps au processus d’adaptation de se mettre en place.
Une réponse positive s’obtient par un effet cumulatif de la charge d’entraînement sur plusieurs semaines.
L’entraînement polarisé est une méthode intéressante pour tous les adeptes des sports d’endurance (Triathlon, Trail, Cyclisme … … …)dans une optique d’optimisation de la performance.
6. Conclusion
L’organisme possède une forte plasticité musculaire pour augmenter sa capacité oxydative et s’adapter à un niveau supérieur. La méthode polarisée, mêlant LSDT et HIIT, permet ainsi d’agir positivement sur les adaptations du processus oxydatif. Ce type de préparation repose sur des bases biochimiques qu’il conviendra de connaitre pour les manier efficacement tout en respectant certaines règles.
En effet, la règle des 80-20 préconisée s’avère intéressante pour des athlètes de haut-niveau ou fortement entraînés habitués à inclure des sessions d’HIIT au sein de leur programme. A l’inverse pour des athlètes n’ayant pas pour habitude de mêler LSDT & HIIT au sein de leur entraînement, cette méthode peut s’avérer néfaste et conduire à de la fatigue ou à un surentraînement. Pour ce type d’athlète il sera important de manipuler la distribution des intensités d’entraînement de manière progressive au sein d’une alternance de blocs. On voit tout l’intérêt pour l’athlète de bénéficier des conseils d’un entraîneur expérimenté et bien formé à cette méthode de travail pour optimiser sa préparation.
Outre l’aspect biochimique, d’autres bénéfices sont également à envisager comme par exemple l’amélioration des qualités neuromusculaires.
A suivre …
Bibliographie
-Banister & al (1986). Modeling the training responses in athletes. In the 1984 Olympic Scientific Congress Proceedings Sport and elite performers , edited by DM Landers, Champaign, IL, Human Kinetics, vol 3 : 7-23
-Di Prampero PE (2003). Factors limiting maximal performance in humans. Eur J Appl Physiol, 90 : 420-429, 2003
-Esteve-Lanao, J et al. (2007). Impact of training intensity distribution on performance in endurance athletes. J Strength Cond Res, 21, 943-949
-Laursen, PB (2010). Training for intense exercise performance: high-intensity or high-volume training? Scandinavian J Med Sci Sports, 20(S2), 1-10
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-Millet G, Perrey S (2005). Physiologie de l’exercice musculaire. Ed. Ellipses
-Poortmans JR (2009). Biochimie des activités physiques et sportives. Ed. DE BOECK.
-Rose, AJ et al. (2007). Effect of endurance exercise training on Ca2+ calmodulin-dependent protein kinase II expression and signaling in skeletal muscle of humans. J Physiol, 583, 785-795
-Seiler, S & Tonnessen, E (2009). Intervals, thresholds, and long slow distance: the role of intensity and duration in endurance training. Sportsci, 13, 32-53
-Seiler, KS (2010). What is best practice for training intensity and duration distribution in endurance athletes? Int J Sport Physiol Perf, 5, 276-291
-Wimore JH, Costill DL (2006). Physiologie du sport et de l’exercice. Ed. DE BOECK. 3ème édition
-Wojtaszewski JFP & al (2000). Isoform-specific and exercise intensity-dependent activation of 5’AMP-activated protein kinase in human skeletal muscle J Physiol 528, 221–226